Sac à dos pas trop lourd, nous sommes cinq a emprunter le GR9 (Tour de la Chartreuse), Domi, Serge, Philippe, Julie et moi, nous passons le col des Ayes et nous atteignons le Trou du Glaz après une heure de marche. Nous sommes à 1697m d’altitude, c’est à partir de là que les affaires plus sérieuses commencent.
Préparatif spécifique, on va changer de mode de progression, le but de la journée est la traversée souterraine Trou du Glaz versant Ouest de la dent de Crolles - Grotte Annette versant Est.

Domi, Julie, le Bleu de la troupe c’est moi, Philippe (Serge prend la photo)
La randonnée que l'on s'apprête à faire, c’est seulement un petit kilomètre en ligne droite mais par les boyaux, puits et autres cheminement nous allons parcourir 2,5km parsemés de difficultés typiques de la spéléologie. Domi m’avait déjà initié par le passé à quelques escapades souterraines dans le Vercors, mais cette fois on change de registre, l’engagement est un peu plus important. Les topos donnent entre 6 et 8 heures sous terre, ce n’est pas le plus stressant, par contre, une fois que l’on aura passé le premier puits descendu en rappel, on est obligé de rappeler la corde pour franchir les suivants ce qui rend toute retraite impossible, il faut obligatoirement poursuivre et sortir par une des extrémités du réseau qui fait quand même plus de 60km donc interdiction de se perdre. Domi avait fait appel à un de ses collègues Serge, spéléologue confirmé et très connaisseur du réseau.
Petite information rassurante, il y a un an, suite aux nombreux problèmes et incidents le préfet de l’Isère après concertation avec les associations de spéléologie locale a demandé à ce que le réseau soit balisé sous peine de l’interdire. Le système mis en place reste discret et extrêmement bien fait, de petits catadioptres sont spités à certains endroits stratégiques avec en dessous de petites indications des différents cheminements empruntables. Nous suivrons donc « Annette ». Les catadioptres sont vite repérés par le faisceau des frontales. L’itinéraire emprunté est l’un des plus abordables de ce labyrinthe mais reste quand même engagé, c’est ce que l’on appelle un boyau fossile, il s’est formé lors de la dernière glaciation par une alimentation du glacier de l’Isère qui arrivait au niveau de la Dent de Crolles. Aujourd’hui cette partie est donc pratiquement à sec, pas de rivière sur notre itinéraire, le collecteur qui alimente les sources du Guiers (Perquelin/St Pierre de Chartreuse) est beaucoup plus profond donc au pire en cas de gros orage les eaux de ruissèlement disparaitraient rapidement tant le gruyère est troué. Aujourd’hui, le département est en vigilance météo orange mais pour le vent uniquement.
Il est 11H, nous rentrons dans les entrailles de la terre ou du moins à l’intérieur de la Dent de Crolles que l’on peut comparer à une molaire avec de grosses caries.
Après 200m de galeries faciles où l’on peut progresser debout, on poursuit par une fissure plus étroite appelée diaclase

qui nous conduit aux premières difficultés, les Puits de la Lanterne.

Serge prépare le rappel plein gaz.

Trois puits se suivent le premier fait 12m, il se termine sur une petite plateforme, une fois sa base atteinte par Serge qui est descendu le dernier, il rappelle la corde, clac! la porte se ferme derrière nous, retour impossible, un deuxième puits de 15m s’enchaine immédiatement, puis rapidement un troisième de 18m.

On s’enfonce toujours plus dans la roche, un premier ramping où l’on est obligé de tirer son sac derrière soi débouche sur une galerie plus facile mais boueuse.

Elle se termine par un petit balcon qui donne accès au puits n°4 de 12m. Il est déjà équipé d’une corde de rappel, mais Serge préfère utiliser une des nôtres et descendre en premier pour inspecter la corde du rappel existant.

Le beau sourire de Julie, nullement impressionnée malgré son jeune âge, au fond Serge va démarrer sa descente.
On suivra en utilisant les deux rappels ce qui va nous faire gagner du temps. A plusieurs endroits des cordes sont déjà en place, rappels, mains courantes, elles sont installées à demeure par des professionnels qui emmènent des clients.
Poursuite de notre progression, à un certain endroit, le boyau que l’on emprunte va être transpercé par un énorme puits vertical dénommé P36 qui démarre une vingtaine de mètres au dessus de notre tête et qui plonge de 60m au dessous, c’est un des puits qui alimente le collecteur central, une petite cascade pas très fournie le dévale, j’ai essayé de faire des photos, mais dans un trou noir la faiblesse de mon flash ne donne rien. Nous le croisons à l’aide d’une main courante.
On enchaine par une petite escalade de 3m, la parois est glissante, une corde fixe nous permet de la gravir facilement à l’aide de notre Croll, système d’assurage qui coulisse dans un sens (ascendant) et bloque dans l’autre (descendant), pour ceux qui connaissent, c’est le même principe que la poignet Jumar.

On continu un moment dans la galerie principale avant d’affronter la remontée d’un plan incliné étroit aussi glissant que pénible mais équipé d’une corde fixe que l’on franchira aussi à l’aide de notre Croll.

On contourne un certain nombre de puits à l’aide de mains courantes pour arriver au sommet du puits Fernand de 25m, il faudra rabouter nos deux cordes de 35m pour équiper le rappel. La suite se poursuit dans une faille sur une vire étroite mais équipée d’une main courante puis la faille se resserre et nous la franchissons en opposition en faisant attention de ne pas trop descendre.

Nous poursuivons tant bien que mal notre progression, cela fait plus de 4 heures que nous nous enfonçons au plus profond de la dent.


Quelques biscuits, du chocolat sans oublier de boire, la température est de 4° dans le gouffre avec pratiquement 100% d’humidité ce qui masque la sensation de soif.
Nouvelle difficulté, la diaclase Annette, une faille verticale étroite de 21m de profondeur qu’il faut descendre en rappel, sa largeur varie, ce qui fait que nous devons parfois nous décaler de la verticale pour ne pas se bloquer, notre sac est pendu au baudrier et il faut aussi le guider avec les pieds pour ne pas le coincer, c’est surement la difficulté la plus pénible à franchir.

Je vais devoir descendre dans cette profonde faille en faisant attention de ne pas me coincer, on devine à peine Julie plus bas en train de gérer sa descente
Un peu plus loin il faut remonter le Puits de la Varappe, il n’est pas très haut et équipé d’une corde fixe que Serge remontera au jumar afin d’installer une échelle métallique souple qui nous permettra de le franchir plus facilement.

La suite est un enchevêtrement de galeries où il ne faut pas se tromper, merci à la signalisation qui assure un cheminement serein. Un nouveau puits, le Puits de la Gniole le plus profond, 35m, il est déjà équipé d’une corde pour le rappel, nous n’utiliserons pas le nôtre.
Les dernières difficultés se présentent, plusieurs boyaux mal commodes, le Passage de la Douane, un boyau très étroit où il faut ramper, on débouche dans la petite Salle de l’Escargot, on est proche de la sortie, on peut un peu se détendre.


Dernières difficultés, quelques chatières mal commodes puis la Trémie Annette qui conduit à la galerie de sortie dénommée Grotte Annette 1685m.


Annette Bouchacourt était une jeune femme résistante, elle fut fusillée par les Nazis en 1944 à l’âge de 28 ans, elle participa à l’exploration du réseau avec Ferdinant Petzl et Pierre Chevalier qui réalisèrent la première traversée en 1946, une plaque est dédiée à sa mémoire à l’entrée de la grotte.
Nous sortons à l’air libre, il est 17H15, nous avons mis 6H15, ce qui est plus qu’honorable. Petit moment de détente, on profite de la magnifique vue sur la vallée du Grésivaudan en se restaurant encore un peu avant de prendre le chemin du retour.

Une nouvelle difficulté se présente, l’Isère est en vigilance orange à cause du vent avec des rafales frôlant les 100km/heure et il faut emprunter une vire très aérienne partiellement équipée. Nous nous encordons, la progression est lente, il faut parfois s’arrêter pour lutter contre les bourrasques, le passage le plus délicat sera le Pas des Terreaux, c’est le franchissement de l’arête entre la face Est et la face Sud de la Dent de Crolles, par effet de relief les bourrasques sont extrêmement violentes.


A 19H nous serons dans la voiture sur le chemin du retour.
Nota bene : Pour cette escapade, je n’ai pas pris mon CC donc je suis quand même un peu hors sujet par rapport à l’esprit du forum. Pour ma défense, nous étions trop proche de la maison donc pas nécessaire de bivouaquer. Ceci dit, pour mes sorties natures plus lointaines le CC est toujours un formidable camp de base que j’utilise abondamment, été comme hiver.